Murcof/Tristano - La revanche...

Publié le par Jack Balance

Ce n'est pourtant pas dans mon habitude et je crois même que c'est la première fois que cela m'arrive. Je suis retourné voir un concert que j'avais déjà vu il y a trois ans et dont j'étais ressorti totalement frustré (voir le compte rendu là)
Aussi m'étais-je promis de donner une seconde chance (et 24€) au duo Murcof (M. - laptop)/Franceso Tristano Schlimé (F.T.S - Piano), en profitant de leur passage à la Cité de la Musique en ce 31 mars printanier. Alors que mon expérience précédente s'était déroulée dans la salle bruyante, enfumée et suédoise de l'Olympia, l'ambiance cette fois-ci promettait d'être nettement plus calfeutrée : c'est en effet au milieu de cette construction moderne qu'est la Cité de la Musique, mêlant avec une certaine classe l'élégance des boiseries au métal des charpentes.  Dans la salle, les spectateurs, emmitouflés au fond de leur fauteuil de velours , attendent silencieusement habillés de leur beaux vêtements tout propres. Je fais alors remarquer à mon pote (qui fut le même que lors de la première expérience) que le public semble être plus venu pour le pianiste classique que pour les bidouillages électroniques de notre compère M. Un sac Freitag par-ci, une barbe hirsute par là me pousse toutefois à me dire que je me suis peut-être un peu avancé ...
Ici pas de retard (ou très peu), la lumière s'éteint dans la salle et laisse place à une scène composée d'un piano à queue sur la gauche et d'un petit bureau comportant un ordinateur portable, deux/trois contrôleurs. Les deux musiciens entrent timidement sur la scène et prennent place.
Très rapidement, la démarche introspective montre ses limites : FTS pianote l'air grave et concentré, pendant de M. bidouille du mulot sur son laptop. En regardant le pianiste, je ne peux m'empêcher de repenser à cette scène du chef d'oeuvre littéraire d'humour anglais "Trois Hommes dans un bateau" dans laquelle Jérome K. Jérome évoque un concert d'un pianiste allemand interprétant des chansons d'une tristesse infinie pendant que l'auditoire s'esclaffe pensant assister à une interprétation comique faussement maniérée : le pianiste allemand fini par insulter toute la salle qui elle n'en peut plus de rigoler... Cette évocation dans la tête, je commence à être mort de rire, d'autant qu'en regardant M. et son laptop je ne peux m'empêcher de l'imaginer surfer sur le net à checker ses mails sur son bureau ressemblant ridiculeusement à une planche à tapisser... Afin de chasser l'absurde de ces pensées (et l'ennui qui s'empare de moi après 15 minute de concert), je décide de fermer les yeux.
Le concert comportera quatre morceaux (plus un petit rappel de quelques minutes). Bien malin qui pourra donner la composition de la playlist; mais il est toutefois intéressant de noter que chacun de ces quatre morceaux (oscillant entre 15 et 20 minutes) évite de tomber dans les pièges de la répétition  :
Morceau 1 : démarrage sur quelques notes distillées par FTS, elles mêmes passant dans la moulinette cérébrale de M. afin d'en dégager des nappes sur fond de reverb et de distorsion sonore (phaser & vibrato). Cette atmosphère drone/ambiant est parfois interrompue par une cascade sonore qui pourrait tout à fait illustrer la folie : des notes de piano qui dégringolent... C'est un peu long à se mettre en place, mais très prenant.
Morceau 2 : Cela commence de la même manière : quelques notes de FTS, à la différence que M.FTS va très vite abandonner le clavier pour se consacrer au corps de son piano déclenchant harmoniques et autre claquements/percussion sur les bois. M. ne laisse rien passer il enregistre tout et commence à distiller ses premières boucles enclenchant un virage electro/IDM. Le basculement boom-boom que j'attendais tant arrive finalement à coup beat & infra-basse sur fond de piano syncopé... ça devient carrément jouissif !!!! On sent que M. commence à kiffer : si son visage se montre aussi expressif que moi quand je checke mes mails professionnels, ses pieds ne peuvent s'empécher de bouger au rythme de la "funky musique.." cette fois ci échantillonne alors que
Morceau 3 : Ce morceau est un mélange des deux premiers : sorte de down-tempo atmosphérique, limite un peu mou, sans grand intérêt mais qui montre la totale maîtrise de FST et M. sur ce qu'ils font... A noter que pour une fois, c'est M. qui initie la composition musicale, sur laquelle vient se greffer FST.
Morceau 4 : Ici, la démarche est similaire au morceau 2 même si la structure semble plus libre et laissant plus de place à l'improvisation : cela commence par une petite mélodique de FST, puis M.Drill & Cut, M. semble éprouver un malin plaisir à mitrailler les accords plaqués. FST monte au créneau : il se lève et retourne dans le corps du piano pour triturer les cordes, les bois... Les deux font joujou, c'est un véritable bras de fer. L'ambiance visuelle subtile et envoûtante (couleur chaude avec projection d'une ombre de ventilateur géant tournant à très très basse vitesse) donne de l'ampleur à ce combat sonore. Le final est assez grandiose avec FST qui, au rythme des beats lancé par M., joue sur les variations rythmiques/harmoniques de deux accords... arrive avec sa palette technique pour y foutre un peu de bordel. A coup de
Pour ne pas gâcher le plaisir, nous aurons même droit à un petit rappel : sorte de question/réponse difficile à cerner, très abscons... le temps de comprendre un peu la logique de l'exercice et FST met fin au concert d'un hochement de tête complice envers M. qui éteint rapidement son PC (de toute manière il ne semblait plus vraiment inspiré)
Au final, nous avons donc eu droit à 5 compositions musicales s'étirant sur près d'une heure trente... De quoi largement estomper la frustration du concert foireux d'il y a trois ans... L'ambiance studieuse (coincée?) permettant à chacun de se laisser imprégner par les expérimentations sonores de nos deux hôtes. Un petit regret toutefois : le format du spectacle qui laisse finalement peu de place à l'échange entre musiciens et auditeurs : les musiciens jouent ensemble mais ne font pas vraiment de démarche pour accompagner l'auditeur (pas même un regard vers le public qui d'ailleurs ne fit aucun applaudissement entre les morceaux), mais cela n'est-il finalement pas le lot des musiques introspectives ?

En cadeau, une petite vidéo trouvée sur tutube...

Publié dans Concert

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Commenter cet article
M
J'avoue moi aussi je ne réitère pratiquement jamais l'expérience d'un concert que je n'ai pas apprécié. C'est humain je pense. Mais pas forcémment très malin... Car comme tu en as fait l'expérience, on peut finalement avoir de belles surprises! Et puis les conditions varient d'un concert à l'autre et peuvent avoir beaucoup d'influence sur la qualité du 'show'!
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J
<br /> Disons que ça m'a permis d'éviter de rester sur des regrets ... !<br /> <br /> <br />